La procession dansante d’Echternach par Lucien Simon.
Image provenant du catalogue de l’exposition internationale de Paris de 1937[i]
L’œuvre et l’artiste[ii]
L’œuvre intitulée La procession dansante à Echternach a été réalisée par le peintre français Lucien Simon en 1936. Elle était exposée avec deux autres peintures de l’artiste, La Moselle et La Sûre au pavillon du Grand-Duché de Luxembourg à l’Exposition internationale de Paris en 1937.[iii] L’œuvre mesurant 400 cm en hauteur et 630 cm en largeur est la plus grande œuvre des trois et probablement la plus grande peinture réalisée par Lucien Simon sur support toile. L’artiste reçoit le grand prix à l’Exposition universelle pour la décoration du pavillon du Luxembourg.[iv]
Lucien Simon naît le 18 juillet 1861 à Paris. Issu d’un milieu bourgeois, Simon profite d’une éducation cultivée, orientée vers la science, avant de commencer un apprentissage artistique. C’est en 1877 qu’il entre dans l’atelier de Jules Didier (1831-1892)[v] comme apprenti durant un peu plus d’une année. Entre 1880 et 1883, il fréquente les ateliers de William Bouguereau (1825-1905)[vi] et de Tony Robert-Fleury (1837-1912)[vii] au sein de l’académie Julian. En 1881 il participe au Salon des Artistes français, mais ce n’est qu’en 1893, lors de sa participation au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts que l’État lui achète une œuvre pour la première fois[viii]. Outre cet achat important pour la carrière de l’artiste, il fait une rencontre significative, celle du peintre Charles Cottet (1868-1925). Celui-ci est considéré comme le chef de file d’un groupe de peintres plus tard connu sous le nom de la Bande noire, dont Lucien Simon faisait partie. La peinture de la Bande noire s’oppose au courant impressionniste et néo impressionniste, par des coloris plutôt sombres et un réalisme stylisé. La peinture de Simon comme celle du groupe des peintres de la Bande noire[ix], est influencée par la peinture de Franz Hals (1582-1666) et Diego Velásquez (1599-1660)[x]. En 1896 Lucien Simon participe pour la première fois à une exposition à l’étranger, à Munich. D’autres vont suivre, notamment à Gand, Pittsburgh, Dresde Saint-Pétersbourg, Venise, Berlin, Saint Louis, Budapest, Vienne, etc.
L’œuvre de Lucien Simon est constituée de portraits et de peintures de genre. Une grande partie de son œuvre est dédiée à la Bretagne, et aux Bretons. Ces compositions se construisent souvent autour de rassemblements de personnes mises en situation dans la vie quotidienne de la campagne, des ports maritimes, ou des processions religieuses. Des exemples de telles compositions sont notamment La Récolte des pommes de terre -1907, Le brûlage du goémon -1913, Marins sur le quai à Douarnenez –vers 1940-1944, Sortie de messe à Pont-L’Abbé -1916, Soirée de théâtre -1923 ?, Les courses à Pont-L’Abbé –vers 1917-1918, Marché à Venise – 1921 ?, La procession au pardon des Carmes –vers 1920, Le Pardon à Penmarc’h –vers 1930-1940, Procession a Penhors (ou Procession durant un orage) -1908, Procession dans le pays bigouden vers 1920-1930, Le retour de la procession à Penhors –vers 1925-1926, Procession au pardon de Sainte-Anne-la-Palud -1917.
Lucien Simon meurt le 13 octobre 1945 à Sainte-Marine. Il est enterré dans le cimetière de l’église de Combrit.
Ses œuvres sont aujourd’hui conservées dans de nombreux musées en France, mais aussi dans le monde entier comme à la Galerie Nationale de Budapest, le Brooklyn Museum of Art, le Musée Royaux des Beaux-Arts à Bruxelles, Le Musée des Beaux-Arts à Gant, MAMAC, Musée d’Art Moderne et Contemporain à Liège, Glasgow Art Gallery and Museum, Ateneum Taidemuseo Helsinki, Musée Pouchkine à Moscou, National Gallery Oslo, Musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg et depuis peu au Centre d’information sur la procession dansante à Echternach au Grand-Duché de Luxembourg.


La Moselle par Lucien Simon.
Image 3
La Sûre par Lucien Simon.
Images provenant du catalogue de l’exposition
internationale de Paris de 1937
Technique de réalisation
La procession dansante d’Echternach a été réalisée à la peinture à l’huile sur une toile encollée et préparée. La topographie de la surface révèle la technique du peintre. Par endroits, Lucien Simon a posé la matière colorante de manière abondante, créant ainsi du relief, dans lequel la mémoire du pinceau reste gravée. Dans d’autres zones, la couche picturale est très fine révélant la couche de préparation. La palette de l’artiste se compose de nuances de noirs et de blanc, de roses et d’oranges dans lesquels s’insinuent les couleurs vives des dignitaires religieux et les drapeaux colorés.
Image 4
Coupe stratigraphique, agrandissement 100x.
L’échantillon a été prélevé sur le drapeau bleu en dessous du drapeau luxembourgeois (cfr. image 5). Des résidus d’un encollage jaunâtre sont visibles en dessous de la couche de préparation blanche. La coupe révèle des informations sur la technique du peintre, notamment la superposition de trois couches de peinture. Une couche de fond rose, une deuxième couche blanchâtre et finalement
une couche bleue.
Image 5
Détail, drapeau bleu.
Les traits de pinceau sont bien visibles. La coupe
stratigraphique indique que la couche rose en bas de l’image a été posée avant la couche bleue (cfr. image 4). Des pertes de matière sont apparentes.
Image 6
Détail, visage d’homme.
Lucien Simon joue avec l’épaisseur de la couche peinte. Par endroits, des superpositions de
différentes couches donnent davantage d’épaisseur à la couche picturale, tandis que dans
d’autres, l’absence de la couche peinte laisse
entrevoir la couche de préparation blanche.
Détail pied
Image 8
Détail de la peinture en lumière rasante
Les déformations causées par le fait que la peinture a été
enroulée pendant une période longue sont bien visible.
La conservation et restauration de l’œuvre
Après son exposition au pavillon du Luxembourg, l’œuvre a été exposée à Echternach pendant plusieurs décennies. Par la suite , elle a été entreposée enroulée et pliée, ce qui a causé plusieurs dégradations. Le support de l’œuvre était gravement déformé avec comme conséquences des écailles ainsi que des manques de couche picturale. Plusieurs trous et déchirures dans la toile avaient provoqué également des pertes de couche picturale. La présence d’une couche de crasse assombrissait l’aspect général de la peinture.Avant le commencement des travaux de restauration, une stabilisation temporaire des écailles de la couche picturale a été réalisée, pour éviter des pertes de matière supplémentaire durant le transport de la peinture dans nos ateliers. Après le décrassage du revers, un traitement d’aplanissement de l’œuvre a été effectué. Les fixations temporaires ont été enlevées et la surface peinte a été décrassée. Ensuite la stabilisation et la fixation de la couche picturale dans les endroits endommagés (pertes de matière, écailles, craquelures) o
nt été réalisées, pour consolider durablement la couche picturale. Des insertions de toiles ont été réalisées pour combler les lacunes dans le support toile. Un mastic a été posé là où la couche picturale était manquante, dans le but de stabiliser davantage ces zones et pour arriver à niveau avec la surface peinte. L’intégrité visuelle de l’œuvre a été restituée en retouchant les zones préalablement mastiquées. Un strip-lining[xii] a été effectué pour pouvoir attacher l’œuvre sur son châssis. Les dégradations présentes et les traitements réalisés sont fréquents dans le domaine de la conservation et de la restauration des œuvres peintes sur toiles, même si les traitementsde restauration et d
e conservation ont dû être adaptés en raison de la taille de l’œuvre. Le vrai défi était la conception d’un support auxiliaire apte à garantir le bon maintien de la toile à long terme. Une complication supplémentaire pour la scénographie ainsi que pour la conservation de l’œuvre était que la dimension longitudinale de la peinture dépas
sait de plus ou moins 50 cm la dimension de la pièce dans laquelle elle devait être exposée. Un châssis a été spécialement conçu en collaboration avec l’établissement Huart[xiii]. Doté d’extrémités latérales en quart-de-cercle, il permet d’avoir une vision complète de la peinture dans son nouvel espace d’exposition. Pour éviter que la peinture ne doive être séparée de son support auxiliaire dans le futur ainsi que pour garantir la conservation de l’œuvre dans le temps, ce châssis est conçu pour qu’une tension suffisante de la toile soit garantie (par exemple lors des fluctuations d’humidité relative éventuelles), grâce à un système auto-tendeur. Le châssis en profilé aluminium est habillé avec des panneaux en PVC mousse agissant comme tampon lors de fluctuation d’humidité relative éventuelle, donnant un support supplémentaire à la peinture et minimisant le frottement entre la toile et le châssis.
Image 9 et 10
Dét ails drapeau luxembourgeois.
Avant et après la pose des retouches.

Châssis après montage.
Image 12
Plan technique du châssis réalisé
par l’établissement Huart.
Image 13
Détail revers châssis.Fixation de la peinture au
revers du châssis.
[i]
[ii] Comme il est mentionné dans l’avant-propos du livre de André Cariou sur Lucien Simon, aucun ouvrage n’a été publié sur les œuvres et la vie de Lucien Simon après 1924. Le livre de André Cariou, publié en 2002 par les éditions Palantines est donc la référence majeure pour illustrer l’œuvre de Lucien Simon.
Cariou, A. 2002. Lucien Simon. Paris: Éditions Palantines.
[iii] Deux peintures de grand format de Joseph Kutter (1894-1941), une vue sur Luxembourg et Clervaux, étaient également exposées dans le pavillon luxembourgeois à l’exposition universelle de Paris.
[iv] Cariou, A. 2002. Lucien Simon: 154. Paris: Éditions Palantines.
Cariou, A.; Lucien Simon, 30 juin - 2 octobre 2006, musée des beaux-arts de Quimper; http://musee-beauxarts.quimper.fr/htdocs/luciensimon.pdf.
[v] Jules Didier, peintre de paysage et de genre, a obtenu le prix de Rome en 1857. Peintre réaliste, il s’intéressait surtout au paysage italien, mais aussi à la Camarque et la Noramandie. Il était aussi connu comme lithographe.
Dider, Jules (1831-1892); http://fada.com/.
[vi] Adolphe-William Bouguereau, influencé par les œuvres de Ingres, est le peintre académique le plus populaire de la deuxième moitié du 19e siècle.
Bartoli, D.; William Bouguereau Biography (1825-1905); http://www.artrenewal.org/.
Alexander, R. 2000. Néoclassicisme et romantisme : la peinture européenne entre deux révolutions, Néoclassicisme et Romantisme
Architecture, Sculpture, Peinture, Dessin. Cologne: Könemann
Cariou, A. 2002. Lucien Simon: 11. Paris: Éditions Palantines
[vii] Tony Robert-Fleury, le fils du peintre Joseph-Nicolas Robert-Fleury, semble avoir eu plus d’influence sur Lucien Simon que William Bouguereau.
Cariou, A. 2002. Lucien Simon: 11. Paris: Éditions Palantines
[viii] D’autres commandes importantes de l’État étaient : une peinture pour le musée des beaux-arts de Quimper en 1913, ainsi qu’une commande pour la décoration de l’escalier des conférences du Sénat en 1922.
Cariou, A.; Lucien Simon, 30 juin - 2 octobre 2006, musée des beaux-arts de Quimper; http://musee-beauxarts.quimper.fr/htdocs/luciensimon.pdf.
[ix] André Cariou décrit la Bande noire comme suit : «….. Rodin, Cottet, Simon, Raffaëlli, Ménard, Redon, Besnard et Carolus-Duran réunis par l’amitié et l’estime réciproque….. ».
Cariou, A. 2002. Lucien Simon: 46. Paris: Éditions Palantines.
[x] Cariou, A. 2002. Lucien Simon: 37. Paris: Éditions Palantines.
[xi] Une peinture identique de format plus petite se trouvant dans une collection privée au Luxembourg a été découverte par le Doyen Théophile Walin. Une dédicace dédiée à Paul Weber, secrétaire de la Chambre de Commerce du Luxembourg, nommée secrétaire générale du Commissariat de l’exposition internationale de Paris de 1937 suivant l’arrêté du 10 mai 1936 publié dans le Mémorial du Grand-Duché du Luxembourg du 20juin 1936. Il est possible qu’il s’agisse d’une peinture préparatoire à celle exposée en 1937 à l’exposition internationale de Paris.
[xii] Bande de toile attachée au revers, aux chants de l’œuvre
[xiii]ETS Huart, Allée JF Kennedy, Hall, 5650 Chastres, Belgique
Nico Broers & Eleni Markopoulou
www.artbeeconservation.com
Tel : 0032 (0)4 34 44 397 00352 691 83 72 67
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rue d’Harscamp, 12 4020 Liège Belgique
rue de Septfontaines, 1 7595 Reckange G-D Luxembourg